Fixation de l’indemnité d’occupation en fonction de la valeur locative
Cass. 3e civ, 17 juin 2021, n° 20-15.296, FS-B —
Le 17 juin 2021, la cour de cassation est venue confirmer les modalités de fixation du montant de l’indemnité d’occupation due par le preneur lorsque ce dernier se maintient dans les lieux après l’expiration du bail commercial.
Dans cette espèce, un bailleur avait délivré à son locataire un congé, à effet du 1er octobre 2011, avec refus de renouvellement et de paiement d’une indemnité d’éviction.
Un jugement du 11 mars 2013 a rejeté la demande du bailleur en validité du congé et ordonné une expertise aux fins d’évaluation de l’indemnité d’éviction.
Finalement, le 13 avril 2016, le bailleur décide d’exercer son droit de repentir et de consentir au renouvellement du bail pour neuf ans.
Lorsque le bailleur exerce son droit de repentir, l’article L. 145-12 du code de commerce prévoit que le nouveau bail prend effet à partir du jour où cette acceptation a été notifiée au locataire par acte extrajudiciaire.
Il existe donc une période, entre l’expiration du bail et le début du nouveau bail, où le locataire s’est maintenu dans les lieux sans être titulaire d’un bail.
Le maintien dans les lieux malgré l’expiration du bail est prévu par l’article L. 145-28 du code de commerce qui dispose qu’ « aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue ». Cet article prévoit également que, « jusqu’au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré ».
Durant cette période d’occupation du local, le locataire n’est plus tenu au paiement de loyers mais redevable d’une indemnité d’occupation déterminée « conformément aux dispositions des sections 6 et 7, compte tenu de tous éléments d’appréciation ».
Or, la section 6 intitulée « Du loyer » reprend les règles de fixation du loyer du bail commercial.
La question qui était posée à la cour de cassation était ainsi de savoir si, pendant la période écoulée entre la date d’effet du congé et l’exercice par le bailleur de son droit de repentir, l’indemnité d’occupation devait être fixée en fonction de la seule valeur locative ou si le mécanisme du plafonnement avait vocation à s’appliquer.
Il sera rappelé qu’en application de ce mécanisme, prévu aux articles L. 145-34 et L. 145-38 du code de commerce, quel que soit la valeur locative, l’augmentation du loyer appliquée ne peut excéder la variation, depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l’indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires. Par exception, le bailleur peut parfois chercher à écarter ce plafonnement lorsqu’il parvient à rapporter la preuve d’une modification substantielle des éléments visés à l’article L. 145-3, 1° à 4° (caractéristiques du local considéré ; destination des lieux ; obligations respectives de parties ; facteurs locaux de commercialité) ou en proposant la signature d’un bail d’une durée supérieure à neuf ans. Toutefois, en dehors de ces cas, le preneur bénéficie du plafonnement.
Dans l’espèce soumise à la cour, le locataire reprochait à l’arrêt d’appel d’avoir fixé l’indemnité d’occupation pour la période écoulée entre le 1er octobre 2011 et le 13 avril 2016 à la valeur locative et d’avoir refusé d’appliquer la règle du plafonnement, élément d’appréciation auquel renvoie l’article L. 145-28 du code de commerce, pour fixer le montant de l’indemnité d’occupation du preneur s’étant maintenu dans les lieux, alors que :
- selon l’article L. 145-28 du code de commerce, l’indemnité d’occupation due par l’occupant « est déterminée conformément aux dispositions de sections VI et VII, compte tenu de tous éléments d’appréciation » ;
- la règle du plafonnement qui résulte de l’article L. 145-34 du code de commerce, appartient à la section VI (Du loyer) du chapitre V (Du bail commercial) du titre IV (Du fonds de commerce) du livre 1er (Du commerce en général) du code de commerce.
La troisième chambre civile de la cour de cassation rejette le pourvoi du locataire en s’appuyant sur sa jurisprudence antérieure (Cass. 3e civ., 14/11/1978, n° 77-12.032 ; Cass. 3e civ., 27/11/2002, n° 01-10.058 : JurisData n° 2002-016570) : « la règle du plafonnement du loyer s’applique à la fixation du prix du bail renouvelé ou révisé, mais non à l’indemnité d’occupation due par le preneur maintenu dans les lieux à l’expiration du bail en application de l’article L. 145-28 du Code de commerce ».
Elle juge donc que c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu que cette indemnité devait être fixée en fonction de la valeur locative.
Par son arrêt en date du 17 juin 2021, la cour de cassation vient ainsi confirmer que la fixation de l’indemnité d’occupation due par le preneur à compter de l’expiration du bail commercial doit être fixée en fonction de la valeur locative, sans appliquer le mécanisme du plafonnement du loyer.
Ainsi, le plafonnement s’applique au seul loyer commercial et non à l’indemnité d’occupation.